top of page
bémol au mélo métro poésie

Bémol au Mélo

 

Première partie

 

LE MAUDIT

Avant Charlie…

 

TU VEUX DEVENIR POËTE ?

 

Il y a quelques instants, moi aussi, j'étais devant mon écran, toujours au lit, vaguement redressé contre le mur pour écrire... C'est tous les jours pareil : je n'ai pas ouvert les yeux que ma main a déjà secoué la souris pour sortir l'ordi de sa veille... Et je me retrouve là où j'en étais... le curseur clignotant à l'arrêt... in media res... rendu au ghetto des merveilles…

Au départ, c'était un livre, un album, un objet – c'était l'idée-même de donner corps aux idées qui me plaisait. Aujourd'hui ce n'est plus qu'un fichier-texte de quelques centaines de kilo-octets, en gestation numérique; un contenant sans fond rempli de prose encodée brute, plus virtuelle que jamais… Et dire qu’en quelques clics, ça pourrait devenir publique – promis, dès que je suis prêt…

On m'a peut-être raconté des histoires... On m'a vendu tous ces poètes comme les apôtres de la dernière bonne nouvelle – tu la connais ? Tu parles de big boss, héros mutants dotés des superpouvoirs du Logos ! On m'a laissé croire que c'était un métier... sans me dire qu'il n'y avait pas vraiment d'école... ni d'élus... ni d'appelés...

J'enchaîne les formations complémentaires, sans cesser d'enrichir mon vocabulaire de nouveaux signifiants/signifiés. Je suis assez z'alphabétisé comme ça, merci ! Je peux lire mes droits et signer d'autre chose que d'une croix : ici, en bas du contrat – encore ici... Voilà ! C'est officiel, je suis opérationnel, paré pour la logomachie. Je peux lire et écrire et après ? Relâché dans la jongle, certif en main – qu'est-ce que je fais ? J'continue ? J'fais le parcours complet ?

La montée vers la Capitale, j'imagine que ça fait partie du forfait. De toutes manières, tentaculaires ou pas, toutes les villes se valent, pour un provincial au cube tel que mwè. C’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant d'une prose poétique tout-terraine. On m'a dit que dehors elle était reine, que le mouvement ne s'y interrompait jamais ! que l'Histoire s'y écrivait toute seule – qu'y avait qu'à piocher ! en mode buffet !

 

Enfin, grosso merdo, vous voyez le chantier... pardon, le Projet... Qu'est-ce que vous vous imaginiez ? S'il y avait un tuto, ça s'saurait :

 

 

Tu veux devenir poëte ?

pour donner du style à ta vie...

un sens à l'Existence...

Qu'attends-tu pour t'inscrire ?

Ici

maintenant

VITE

 

C'est le Printemps ! Tu as raison. Ce n'est pas à l'écran que me viendra l'inspiration. Je ferais mieux de prendre l'air sur le champ, au lieu de tourner en rond... enfin, virtuellement... Il faut... il faut... il faut aller de l'avant – c'est tout con. Pour jouer, j'n'attends plus qu'on m'dise : « Action ! ». Sur ce, j'me transporte à la plus proche station…

 

Quelques instants plus tard...

 

...me voici sous terre, sur la ligne 5 du métro, debout au bord du quai, ambiance in utero... J'arrive ! J’arrive ! Je prends mon élan !

 

– Bienvenue dans la vie active ! La navette ne devrait plus traîner normalement…

 

Merci de bien vouloir profiter du dit moment-présent ! Vite ! Cette petite musique induite aidant, mécaniquement parlant... La rime s'invite... et par là m'incite... à rejeter les limites du vide intermittent ...et ainsi de suite... Attends !

 

Pour le moment, tout le monde est sur pause, apparemment en prière, mais non... Au nom du Père, c'est trop mignon... Ici au moins j'espère que personne ne nous reprochera de faire un brin de contemplation… Tenez ! Vous avez manifestement trouvé de la prose à vous mettre sous la dent, alors que je sors un bloc-notes de ma poche pour avoir l'air sérieux ! Je n'ai même pas besoin de noter – je dénote. ça m'donne un air suspect, direct... Dans l'doute, j'impose le respect... Je n'introspecte plus : j'inspecte, s.v.p. ! Je prospecte aussi – qui sait ? Y a de la poésie partout, à ce qu'il paraît... ça je ne demande qu'à voir... Ouais...

 

Alors comme ça, tu veux jouer dehors, au poëte oldschool, pressé de trouver le lieu-la formule. C'est vrai qu'au premier abord j'trouvais ça cool... J'm'aperçois seulement du ridicule... J'étais aveugle... à présent je vois; je vois bien des gens qui ne se regardent pas... Regardez-les, irradiés, le profil bas, caresser leurs écrans z'et des yeux et des doigts. (Ceux qui portent des verres à réalité augmentée je n'vous en parle même pas). Et si le véritable écran c'était ce film incolore entre les corps ? Hashtag preservator... Je vois des voyants qui s'ignorent... des savants en puissance... à même de communiquer leur penser à distance et de capturer l'indicible en un seul cliché-plan-séquence : la Concurrence ! voilà ce que je vois ! J'entends grésiller leurs écouteurs... Ils sont ailleurs, se destinent à des présents meilleurs, transitent en ce non-lieu – moi je suis déjà là : c'est mon heure ! N'empêche qu'ils sont parfaitement équipés, eux, pour « niquer le Temps », puisque c'est le jeu ! Ce qui, du coup, ringardise mon kit de survie poétique : un bête bloc-notes, un putain d'bic – « Bien dans ta grotte le beatnik ? ». En attendant, j'imagine que chacun s'occupera comme il peut !

 

 

Je me vois dans une scène de duel à la sauce western-spaghetti, sauf que je ne discerne pas le regard de mon ennemi, planqué sur le quai d'en face, parmi nos clones cyber-paparazzi, anonyme menace – mais non, si l'un d'eux relève le menton, ce n'est qu'pour s'prendre en selfie. Certains poussent même l'auto-lèche avec perche – c'est du joli. Regardez-moi ce bouffon ! C'est plus fort que lui. Dans le doute : faut qu'il vérifie – « Qui suis-je ? ». Le visage semblant reprendre vie... pour aussitôt se crisper dans une grimace atroce d'emoji vide : (clic :-) – ravissant cliché censé immortaliser ce mémorable non-instant. (Moi qui me croyais narcissique... il y a concurrence là aussi, vraisemblablement.)

Non, ce qu'ils ont dans les mains n'est pas un miroir ; participant d'une réflection sans reflet, ils ne sont plus seuls face aux fantômes d'eux-mêmes et s'adressent réciproquement leurs « j'aime ». Regardez-les, ces soi-disant absents, ils ne sont pas du tout coupés du monde en fait ! Imaginez donc comment j'me sens, là maintenant, pendant qu'ils s'éclatent tous sur le net. Ce n'est pas un miroir non, c'est une interface; la coïncidence d'une historique dispersion : le nez dessus, personne n'a vu que Narcisse avait bu la tasse pour de bon...

 

Bientôt... Bientôt... je jouerai au poëte 2.0, moi aussi,! J'aurai un téléphone intelligent, dernière génération, je reprendrai des nouvelles de Siri... Mais pour l'heure, j'ai juste un téléphone con... (Je me suis mis en mode vibreur chérie, au cas où t'viendrait l'inspiration... (^_-)

 

Patience... Le programme est en cours de chargement... s'échafaude en silence... Bientôt la suite... Qu'on en finisse ou qu'on commence... On s'en balance, mais qu'on avance – Vite ! Je ne suis pas descendu en toute innocence ! C'est un courant d'air qui m'envoie... Je ne vis plus que dans l'urgence de te retrouver avec moi... Bonne chance... Je vais conter jusqu'à toi...

 

POST : Tu vas encore me charrier sur cette manie que j'ai de faire des citations, mais voilà l'occasion rêvée de glisser celle-ci de Paul Valéry, laquelle révèle merveilleusement bien toute l'ironie de ma non-situation : Les mots sont des planches jetées sur un abîme, avec lesquels on traverse l'espace d'une pensée, et qui souffrent le passage et non point la station...

SILENCE-RADIO

 

Cher destinataire instantané... C'est vrai, pourquoi me contenter d'écrire à l'attention d'une hypothétique postérité, dès lors que tu es à ma portée ? – « Écrire pour soi » – quelle vanité ! On écrit toujours à quelqu'un... quelqu'un qui n'est pas là... celui ou celle qui tôt ou tard se reconnaîtra... comme toi... bien entendu... Mais, si Je est un autre – dis-moi, dans ce cas : qui est-Tu ?

 

Ce qui a changé, c'est le silence... il est sournoisement devenu : synonyme de ton absence. Désolé, voilà que je recommence... à me répandre en romance... en me posant d'insolvables questions de réciprocité. En tous cas, ça m'travaille, je n'peux le nier. Tu as entrouvert le portail... et j'hésite à... ne pas te réclamer la clé...

 

Tu veux devenir poëte ?

Demande à ta muse !

 

– Sérieusement ? tu crois que ça l'amuse ? Solitude n'est qu'un mot mais je me suis fait à sa présence, étrangement impersonnelle, à l'étude si sangsuelle. Notre ménage était bien parti pour durer... jusqu'à ce que l'Amour nous sépare, on dirait... Devrais-je dire Désir ? (Il est également possible que je confonde Solitude avec sa jumelle Liberté – dans le doute, demandez au Métèque, il s'y connaît). Si ça tombe, c'est moi ta muse; et dans tes carnets secrets tu abuses, en me faisant royalement passer pour un bouffon ! Tu as trop d'amour-propre pour être une Galatée, moi pas assez... pour jouer au Pygmalion... Quoique ça pourrait me tenter... non pas te sculpter et risquer d'attenter à ta beauté, mais capter ta lumière – tu veux savoir ce qui me rend fier ? Ce matin, (si lointain), quand tu as ouvert les yeux, dès que tu m'as vu, tu as souri... Face à ce somptueux spirato, j'me suis dit waw... et pendant une seconde j'me prenais pour De Vinci...

Pause : je ne reconnais plus ma prose – Qu'est-ce qui nous arrive ? – On s'croirait dans un soap à l'eau de rose... Attention récidive ! Alors que d'ordinaire c'est à peine si l'on ose y croire et prononcer le mot espoir... suffit pour t'entendre dire : « Pouah! ». Regarde-nous à présent, on dirait deux petites midinettes... en train de singer des amants, se désarmant trop vite... Sommes-nous ensemble pour autant ? Dois-je encore me sentir seul ou... seulement entretenir le mythe ?

>: Grrr. J'ai envie de t'écrire mais j'me r'tiens. Ce s'rait d'la triche. Je n'veux pas tomber dans le cliché du mec qui met des plombes à composer ses textos. Cela relève d'une délicate rhétorique – c'est d'la nitro ! Chaque envoi est une mise en péril... Et c'mec qui s'languit d'une bonne réponse et perçoit les silences-radios à l'image de mauvaises ondes – celui-là est d'autant plus débile... Je ne voudrais pas t'envahir, ni tout investir dans un placement stérile... Après tout, c'est not' rancard que j'expecte – sinon dis-moi qu'est-que j'irai foutre en ville ? Rien ne va plus... Je t'introjecte... à mort le capitalisme des affects !

Faut pas que j'en dise de trop... Faut que je t'en laisse... Ne préférerais-tu pas que je t'écrive des chansons ? De toutes les formes de la poésie, c'est encore celle qui s'en sort le mieux, non ? Orphée remporte le trophée – aux zicos la victoire ! Avant de s'faire lyre, on peut toujours aller s'faire voir !

 

*

 

Intermezzo cantabile – ça vous chante ? : le temps que mes pensées décantent, mon âme se défile, quittant l'attente... pour s'en aller valser selon les sons... Mon corps lui, fait le guet, demeurant à l’affût de la moindre de tes vibrations...

 

Voici donc l'échographie d'une chanson :

 

Tant que nous sommes nus,

sans reprendre les armes,

quand sonnera l'alarme

au moment venu

– Viens ! Disparaissons!

 

Je me souviens de nos ébats récents dans les limbes de l'aube, à moitié conscients, avant que tu ne te dérobes de bonne heure – était-ce un rêve évanescent ? Réel bonheur ? Et s'il était là, le vrai moment-présent, l'alchimique athanor ? Quand nos egos s’entre-dévorent et se transforment... et nos corps s'étreignent pour ne plus devenir qu'un seul et même corps... Serrons-nous plus fort, jusqu'à ce que la créature soit terrassée et s'endorme... Pourquoi est-ce que je ne me sens jamais aussi vivant que dans ce divin temps mort ?

 

Tant que nous sommes aux anges

l'un dans l'autre perdu

tant que cela perdure,

comme rien ne nous dérange

Trans-paraissons !

 

Si ça ne tenait qu'à moi, j'y replongerais sur le champ – tu sais. Mais quand ? Et derechef je me surprends sur le fait, en train d'ébaucher un message que je ne t'enverrai jamais – je t'[texte manquant.]

 

Avant que je ne m'enlève

de notre enlacement

encor un moment...

éternellement...

La vie est brève :

Paressons !

 

(enregistrer comme brouillon)

BEMOL AU MELO

 

Ça va mieux ? – plus pour longtemps... Retour au pied du mur des slamentations... Sortez les mouchoirs et les violons... on reprend !

OK. C'est un fait : j'ai mal. J'ai beau me convaincre que la raison l'emporte, la douleur m'informe et je passe de force par les larmes – pourquoi toujours attendre qu'elles débordent, ces eaux troubles immémoriales ? Si ça tombe je ne pleure même pas, tiens, je baille. Je ne sais d'où ça me vient mais c'est tenace. « Aïe ! » – Un rien romantique, oui je le crains, c'est dégueulasse. Baptême aidant, certainement... sequela christi, merci pour le don de sang... Soit mon corps est trop petit, soit mon désir trop grand ! C'est ce que je suis ! Difficile de faire sans – à vrai dire, ça me serait d'autant plus pénible d'étouffer c'que j'ressens...

J'ai peur, je l'avoue. J'ai peur oui, qu'en réalité, écrire... ne soit qu'un alibi; et la figure du poëte maudit, qu'une vieille couverture pour mener en douce ma sous-vie : carrière démissionnaire de soft-junky... Désolé chéries ! La prétendue Solitude et l'allumeuse Liberté, tout ça, c'est des conneries ! La vérité, c'est que je ne suis pas libre mais carrément dépendant ! ni tout seul : le Manque est une gueule de plus à nourrir quotidiennement...

Je ne vois que toi pour me donner envie d'être clean – ne fut-ce que pour être sûr que je ne rêve pas. J'hallucine ou tu m'as demandé un jour pourquoi je ne pourrais pas changer de régime maintenant que je t'avais, toi ? On se croirait dans un teenmovie, énième resucée de Dracula : moi Edvard toi Bella... La scène où tu m'offres ta jugulaire : « Je t'en prie, mords-moi ! »

– Doucement ! Oulla ! Veux-tu réellement devenir ma came ? Et comment je fais, quand tu n'es pas là ? Comme à présent... Du calme ! Je commence à grincer des dents... Et dire que je n'ai plus rien sur oim... C'est malin, le vide compte double cette fois. Il ne me manquait plus que ça, tiens ! Je suis mordu. ça m'apprendra. C'est ton p'tit cul qui me perdra... Irons-nous jusqu'à la scène où tu meurs, et deviens vampire à ton tour, histoire d'éterniser notre amour avant l'heure ? Comme c'est gothico-romantique ! – « Coupez ! ». Il n'est pas de fin heureuse – c'est un oxymore... et le Raven ramène sa fraise pour la rime d'un : « Nevermore ! » ...classique. Mieux vaut des regrets ou des remords ? question rhétorique. Il ne faut jamais dire : « Pour toujours », trésor – ne sois pas si sadique... (Spéciale dédicace à Maldoror alias Isodore Ducasse – attention : caustique).

Oh ce n'est pas le Malheur avec un grand m, qui m'fait bander ; c'est plutôt le Bonheur avec un grand b, qui me fait bader... On ne peut pas dire que ce dernier me soit familier. J'ai vu des esclaves, des orphelins, des estropiés plus heureux... J'imagine qu'il y a des rois plus suicidaires... tant mieux pour eux ! Cette espèce de mélancolie me colle à la peau – et j'avoue qu'à défaut d'avoir connu d'autre milieu, j'm'y sens tel un plancton dans l'eau...

Avant qu'on ne me le demande – j'allais très bien ! Merci ! Je sais qu'il y a des bémols dans ma mélodie – et alors ? les gammes mineures ne sont-elles pas les plus jolies ? Et les couleurs de ma palette automnale ne me paraissent pas moins glauques qu'un plein soleil létal ou qu'un ciel bleu de klein, exempt de tout grain, monotone... Si le spleen est un canal plus enclin au style – qu'on me pardonne... dans les nineties d'où je viens, c'était la donne…

 

Mais toi, dans tout ce mélo, toi tu fais tâche. J'ai perdu ma louse et du même coup mon incognito, maintenant les gens me jalousent autant que si j'avais décroché l'gros-lot – d'ordinaire j'me cache, bénéficiant d'une immunité hors-compétition. C'est comme si je n'avais jamais existé dans le regard de mon prochain, avant que tu daignes poser le tien sur ma chetron... Je croyais naïvement que ce que j'aime n'avait de valeur qu'à mes seuls yeux... J'ai bien conscience que tu es précieuse, mais tu sais que je ne te vois pas de la même manière qu'eux... Si tu me comprends vraiment, comment peux-tu m'aimer en l'état ? J'ai peur de ne pas être à la hauteur de ce que tu dis ne pas attendre de moi.

Tu me dis que tu m'aimes entier, que je n'ai pas besoin de jouer un rôle, ni de poésie pour m'exprimer. Tu m'dis que tu voudrais juste que je sois content. Que j'devrais sortir prendre l'air, il fait beau, c'est l'printemps... On se retrouvera pour « boire un verre » – d'accord mais quand ? Après les préliminaires, joueras-tu la Belle au Bois Dormant ? Rendez-vous dans les limbes de l'aube – ma douce succube de Satan.

 

Ha ! L'amour appelle l'amour/

le manque renforce le manque...

À nous le mix, voilà les samples...

 

Je flippe de ne plus être tout seul... Ton amour m'a percé à jour et je ne peux garder le magot pour ma gueule... Tu me jures que je suis un ange, même un prince déchu – ça t'arrange... Mais j'ai toujours peur que tu prennes peur, une fois passé le mirage des chaleurs...

 

Tu es ma chance. Je n'ai pas le droit d'être une erreur... Je crains de t'aimer sans échéance même quand tu m'auras composté le cœur…

AU SUIVANT

 

J'auditionne pour mon propre rôle, sinon acteur de l'Histoire au moins figurant... Mais avant le portique de contrôle... j'hésite à faire demi-tour... Si seulement... je me souvenais où j'allais ? d'où je venais ? Au suivant !

 

Je sais la Flèche du temps décochée... sans trajectoire toute course est insensée. J'me sens coincé... comme un spectre anachronique au destin tragique : crucifié à l'instant T de toute dialectique, le cul entre deux chaises électriques, le crâne foisonnant d'étincelles synaptiques...

Je me sens tiraillé, entre ceux qui partent et ceux qui restent, semblable au Docteur Rieux dans la Peste. J'me sens pris en tenaille, entre les sirènes du turfu et les sonars du passé qui m'assaillent. J'hésite à rejoindre au front les têtes brûlées... mais ne peux me résoudre à laisser pour morts mes mentors, ni larguer les p'tites mémés à la traîne. ça s'fait pas... Le jeunisme, ça m'gêne...

Qui veut monter la garde devant le temple désaffecté ? Qui veut se greffer le foie de Prométhée... à l'heure où son frérot fait l'unanimité ? Sachant l'âge d'or des Lettres dans mon dos – c'est vite compté : « pas mieux ! ». C'est à se demander si le poëte n'y est pas réellement resté. Alors il était sérieux ?! – Vous me direz : à quoi bon demeurer visionnaire... sans avenir ? C'est aussi rétrospectivement con qu'un témoin sans souvenir... À croire que les avant-gardes soient devenues ringardes; même le mot ringard se ringardise – c'est la crise... Et pourtant par poésie j'entends toujours le chant humain, le code-source de notre sauvegarde – j'a-j'actualise !

Ais-je précisé que j'étais ado dans les années charnières ? Années nonante ou quatre-vingt-dix, comme mes frangins français disent : décennie du grand compte à rebours... pour rien. Chaînon manqué du nouveau millénaire, issu d'une génération manquante située entre x ou y. J'ai même eu le privilège de snober une rare éclipse solaire et de mater l'effondrement de deux tours en direct...

Il faut être absolument moderne – absolument ? L'avons-nous seulement été tout dernièrement ? Baliverne. Est-ce que je dois perpétuer la Tradition de rompre avec la Tradition de rompre avec la Tradition ? Est-on toujours progressiste en voulant conserver son mouvement ? Est-ce que je ne me poserais pas trop d'questions ? Absolument. – Cesse donc de penser à cesser de penser ! Quel con ! Sois spontané bon sang ! Vas-y viens ! Surprends-moi ! Désobéis-moi sur le champ ! Je m'sens bombardé d'injonctions paradoxales – rien d'étonnant à ce que je bug au final, à ce que je me sample, me paraphrase et me back, à la limite d'un effet larsen cérébral... La fonction f me renvoie toujours au point de sortie – alert (signal).

J'étais aveugle, à présent je vois double : je vois des forces qui s'annulent, des contraires qui s'assemblent, des fractions équivalentes, des puissances exponentielles : le mouvement pour le mouvement/ le changement pour le changement/ pour les siècles des siècles... Ah merde...

Changer la vie ? Ce n'est plus un secret. Ce qu'il en restera, ça... personne ne le sait... Ma mission ? C'est p't'êt' toujours pareil à c'que Camus disait : non plus refaire le monde, mais veiller à... c'qu'il ne se défasse pas ! Enfin, quelque chose comme ça. J'me mets pas la pression, en tous cas...

 

Allez !

C'est maintenant ou jamais !

Attends !

C'est maintenant ? ou jamais ?

bottom of page